La scène de la "pipe" à Sarkozy visait-elle l'édile de la Cité des papes?
L'ancienne maire d'Avignon, Marie-Josée Roig, attaque en justice une ancienne collaboratrice de Patrick Devedjian qui, dans un livre, raconte l'histoire d'une femme qui a accordé des gâteries au chef de l'Etat en échange d'une subvention. L'audience se tenait mardi au tribunal correctionnel de Paris.
Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, et la maire d'Avignon Marie-Josee Roig lors d'un congrès de l'UMP à Marseille, le 1er septembre 2006.
OLIVIER LABAN-MATTEI / AFP
Ceci n'est pas une diffamation. C'est cet argument de la défense qui a ébranlé les débats mardi à la 17e chambre correctionnelle de Paris. L'ancienne maire (UMP) d'Avignon, Marie-Josée Roig, portait plainte en diffamation contre Marie-Célie Guillaume, auteure de Le Monarque, son fils, son fief (éd. du Moment) et contre Yves Derai, son éditeur. Dans cet ouvrage paru en 2012, l'ancienne directrice de cabinet du président des Hauts-de-Seine Patrick Devedjian narre une scène entre "le Monarque", facilement identifiable comme Nicolas Sarkozy, et "Madame de P.", la maire d'une ville entourée de remparts qui accorde des faveurs sexuelles au président de la République dans son bureau en échange d'une subvention de 5 millions d'euros pour financer un musée du Moyen-âge. "Après tout, se dit-elle, non sans humour, le Monarque a tellement de soucis et tellement de responsabilités, il faut bien qu'il les évacue", écrit Marie-Célie Guillaume dont le livre s'est écoulé en dizaines de milliers d'exemplaires. Semblant se reconnaître dans ce portrait, l'édile du Vaucluse a discrètement porté plainte en août 2012.
Les "magnifiques remparts" d'Avignon
Pour son avocate, Me Raphaëlle Charlier, pas de doute. Malgré son pseudonyme, c'est bien sa cliente qui est visée et qui est "identifiable" par "tout un tas de précisions". Madame de P. est "maire et parlementaire de province"? Marie-Josée Roig a été députée de la première circonscription du Vaucluse. Madame de P. est "titulaire de l'agreg et prof"? Marie-Josée Roig a été prof de philo. Madame de P. "s'est engagée en politique sur le tard"? Marie-Josée Roig s'est lancée à 45 ans. Madame de P. est la "seule femme à être maire d'une ville entourée de magnifiques remparts"? Avignon en dispose. Madame de P. dirige une ville "qui comprend un somptueux château qui surplombe une ville verdoyante"? Une référence évidente, selon l'avocate, au Palais des Papes. Et si certains détails ne correspondent pas, c'est une "précaution" de l'auteure "pour éviter un procès en diffamation".
Les "moeurs joyeusement émancipées" de Madame de P.
Quant au caractère diffamatoire, il est établi, assure la défense de la partie civile qui réclame 15.000 euros de dommages et intérêts. "Il est clair qu'elle lui aurait fait une fellation et l'aurait masturbé." De quoi brosser le portrait d'une "femme légère" car "ravie d'avoir obtenu ce qu'elle voulait". Et l'avocate de citer des extraits du livre, à l'appui de son propos: "les moeurs joyeusement émancipées" de Madame de P., ses "souvenirs refoulées d'une autre vie" qui lui reviennent et qui tendraient à démontrer, selon l'avocate, que les faveurs sexuelles seraient chez elle une "habitude". Ou encore ses citations de Madame de P., rapportées dans le livre: "C'est ce qu'on appelle boucler un dossier en un tour de main!" ou "quand je pense qu'on dit que l'administration est lente... Alors qu'en fait, il suffit de trouver le bon canal!"
70 ans au lieu de 58 dans le livre
Faux, selon les avocats de la défense. Madame de P., "c'est le mélange de trois personnes", décrypte sans détour Me Olivier Schnerb, l'avocat de Marie-Célie Guillaume: l'ancienne maire (UMP) du 17e arrondissement de Paris Françoise de Panafieu, Maryse Joissains-Masini, la maire (UMP) d'Aix-en-Provence ainsi que Marie-Louise Fort, la maire (UMP) de Sens. Il s'agit de "polittérature", affirme l'avocat qui revendique une "farce". "Madame de Panafieu a pris ça avec humour, elle sait que c'est une fiction" tandis que Marie-Josée Roig "a décidé de brandir quelque chose qui ne lui appartient pas". Son confrère, Me Olivier Pardo, avocat de l'éditeur, déconstruit une par une les imputations. Madame de P. a 58 ans au moment des faits, Marie-Josée Roig 70. "L'âge a peut-être son importance", ose le conseil. Madame de P. est une "parlementaire active" tandis Marie-Josée Roig est "classée très très moyennement" par le site nosdeputes.fr. La ville qu'administre Madame de P. a 150.000 habitants, Avignon 80.000 à peine. Madame de P. souhaitait une subvention pour un projet de musée médiéval, Avignon en a un en effet mais il a été inauguré en 1976. Assurant que l'objectif de Marie-Célie Guillaume était de dénoncer le "machisme ambiant" dans le monde politique, Me Olivier Pardo estime que "peut-être madame Roig en a aussi été victime". "Mais c'est son histoire, pas celle-là..."
Le parquet pas convaincu
Des arguments que va jusqu'à partager le parquet. "L'identification [à Marie-Josée Roig] n'est pas évidente pour le public au départ. On peut reconnaître d'autres personnes", concède le ministère public qui remarque qu' "il n'y a pas qu'Avignon" qui dispose de remparts. Une façon pour le substitut du procureur de faire remarquer aux magistrats, qui ont mis le jugement en délibéré au 25 novembre, que c'est surtout en portant l'affaire devant les tribunaux que Marie-Josée Roig a fait porter les doutes sur elle. Comme quoi, des fois, il vaut mieux ne pas piper mot.
http://www.lexpress.fr/actualite/politique/la-scene-de-la-pipe-a-sarkozy-visait-elle-l-edile-de-la-cite-des-papes_1614017.html?xtor=EPR-5012-[20141023_43_camp_edito_lexpress_edile_cite_papes_sarko_soir_000T89]-20141023-[__002GQUI]-[RB2D106H001ECCUV]-20141023050300
Nessun commento:
Posta un commento